LIEN SCOLAIRE

INQUIÉTUDE ET COLÈRE
DANS LA VOIE PROFESSIONNELLE

Si l’enseignement à distance est un enseignement dégradé qui ne remplacera jamais l’enseignement en présentiel, il est un révélateur sans précédent de l’énorme fracture sociale et scolaire dont des pans entiers d’élèves et de familles sont victimes.
Les personnels de la voie professionnelle déploient leur énergie sans compter pour tenter de mettre en œuvre et maintenir un lien scolaire avec leurs élèves. Mais d’après les remontées des personnels de lycée professionnel, ce lien scolaire existerait pour seulement un tiers des élèves. Les outils publics mis à disposition ne sont pas toujours opérants et sont très mal adaptés aux jeunes non habitués à manier régulièrement le numérique en dehors de l’école. Les ressources en ligne excluent généralement bon nombre de disciplines de la voie professionnelle ou ne correspondent que de très loin aux contenus des programmes. De nombreuses matières professionnelles sont irréalisables en enseignement à distance comme par exemple la conduite routière, la maintenance ou la restauration ; aucune vidéo ne permettra l’acquisition des gestes techniques ou des savoir-faire professionnels.

Les inégalités scolaires criantes, mises à jour par cette crise sanitaire, s’expliquent aussi et surtout par les inégalités sociales qui se sont aggravées ces dernières années en raison des choix politiques opérés. Beaucoup de jeunes ne sont pas équipés en matériel adéquat ou partagent un matériel avec tous les membres de la famille. Les problèmes de connexion sont majeurs : soit du fait des « zones blanches » dans certaines zones rurales, soit faute de moyens pour un abonnement à internet. Pire, certaines familles sont privées de connexion par les opérateurs faute de paiement.

Des initiatives locales ont été prises par certaines collectivités ou établissements pour équiper les jeunes mais elles ne sont pas généralisées à tout le territoire. Les multiples lois de décentralisation ont permis à l’État de se délester de certaines compétences sans pour autant octroyer des moyens suffisants aux collectivités. Ces décentralisations successives ont creusé les inégalités territoriales dans beaucoup de secteurs publics notamment pour la formation professionnelle des jeunes. Ce sont elles et eux qui en paient une fois de plus un lourd tribut.
Face à l’ensemble de ces difficultés, l’enseignement à distance dégrade profondément les formations des jeunes de la voie professionnelle et met en danger l’obtention de leur diplôme.

Le SNUEP-FSU exprime sa grande inquiétude face au décrochage scolaire des jeunes de la voie professionnelle qui s’organise dans un silence quasi absolu – et ce, malgré les efforts déployés par les personnels. Des « stages de remise à niveau » ne permettront pas de résoudre ce décrochage, loin de là.
Le SNUEP-FSU exprime aussi sa colère face au ministre qui prétend « qu’aucun jeune ne sera laissé au bord du chemin » alors même qu’aucun fonds n’a été débloqué pour tenter de contrecarrer a minima les graves difficultés et les inégalités. Cette colère s’exprime aussi contre des interventions émanant de certains hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale qui laissent à penser que la « continuité pédagogique » serait bénéfique aux élèves.

Face à cette crise, le SNUEP-FSU exige qu’un plan d’urgence soit déployé rapidement et nationalement pour permettre une gratuité des connexions aux familles et pour équiper chaque lycéen·ne professionnel·le en matériel informatique. Une fois cette crise dépassée, un investissement exceptionnel de l’État dans la voie professionnelle sera indispensable pour donner les moyens aux enseignant·es de faire réussir, en présentiel, tous les jeunes qui leur sont confiés.

Paris, le 26 mars 2020

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